Interview : FIXMER/McCARTHY /
& NITZER EBB
par Olivier CAMUS
photos: (c) - 2004 HardBeat Propaganda (promo)Nom: Terence Fixmer
Localisation: Lille (France)
Occupation: Grand gourou de la tekno-EBM
Parcours: Issu de la capitale mondiale de l’EBM, ce DJ mêle très vite mixture tekno acide ultra-saturée et influences EBM/wave des années 80 -une adolescence passée dans les boîtes de nuit belges mythiques telles le Bocaccio aidant. Résultat: une flopé de maxis vinyles et une signature chez International Deejay Gigolo records sous son propre nom et une concrétisation d’album: Muscle Machine, sur lequel les loops bouclent à gogo et un beat furieux nous ramène aux sources de la musique électronique. Depuis, c’est via Planète Rouge, son propre label, qu’il nous sert ses nouveautés et collaborations, jusqu’à la génialissime idée de s’allier à Doug McCarthy, légendaire chanteur de Nitzer Ebb.Nom: Douglas MacCarthy
Localisation: Brighton (Royaume-Uni)
Occupation: ex-Chanteur de Nitzer Ebb de retour sur scène
Parcours: Figure emblématique de toute la scène EBM depuis ses débuts en 1986 jusqu’à aujourd’hui, mais surtout athlète hors pair de la corde vocale et du cri virile; Doug MacCarthy peut s’enorgueillir d’avoir édicté tous les préceptes à la fois visuels et artistiques d’une musique toute à la fois dégénérée, à contre courant et avant-gardiste. Prouvant que l’énergie et la fougue musicale pouvait très bien s’illustrer au travers de sons synthétiques minimalistes (se passant totalement d’instruments acoustiques) et d’une présence vocale débridée de second degré. La trentaine bien sonnée mais la mèche de cheveux toujours aussi rebelle, il effectue un grand retour en show man aguerri.Projet commun: Fixmer/McCarthy, on vous explique tout ici…
Sortie actuelle:
FIXMER/McCARTHY "Between the Devil..." (2004-Synthetic Symphony/SPV)
FIXMER/McCARTHY :
Terence, comment as-tu remis la main sur Doug? Et comment t'es venue cette idée de duo avec lui?
Terence Fixmer : En fait, je suis rentré en contact par l’intermédiaire de Seth de chez Novamute qui m’avait demandé de faire un remix de NITZER EBB « Let Your Body Learn ». Je me suis toujours dit que la seule voix qui pourrait fonctionner à merveille sur ma musique et mes séquences serait celle de Doug. Je suis rentré ensuite en contact mail avec lui, puis je devais jouer sur Londres et j’en ai profité pour rencontrer Douglas, on a sympathisé et voilà le début…
Pourquoi ne pas avoir choisi un nom de groupe?
T: Parfois je ne trouve pas évident de trouver un nom de groupe et puis c’est tellement plus simple et explicite d’utiliser nos 2 patronymes.
Douglas McCarthy: À part le fait de vouloir associer les deux noms ensemble, nous voulions à la fois apparaître chez les fans de Terence Fixmer et chez les fans de Nitzer Ebb.
Après le premier maxi-vinyle sur Planète Rouge, comment va s'intituler l'album? CD ou Vinyle?
T: En fait, l’album sortira sur Synthetic Symphony en Europe pour le CD et sortira en vinyle pour la scène techno sur mon label Planète Rouge. L’album s’intitulera “Fixmer/Mccarthy: Between The Devil…”
Doug, Comment as-tu accueilli la démarche de Terence? Qu'est-ce qui t'as décidé à dire oui et à reprendre l'aventure de la musique électronique?
D: J'ai tout de suite été intéressé car Terence m'avait contacté par l'intermédiaire de Seth de chez Novamute et qui m'en avait dit le plus grand bien alors qu'il ne le connaissait qu'à peine. J'étais intéressé d'écouter ce que Terence avait à me proposer car je n'avais plus aucune motivation à faire de la musique depuis des années, donc d'une certaine manière ça a ravivé ma curiosité et a remis de nouveau en cause ma capacité créative. Et il y avait une part de flatterie dans sa demande initiale. Une fois qu'on s'est rencontrés, il est très vite apparu que nous avions les mêmes affinités musicales et personnelles.
Comment envisages-tu la rencontre avec un public qui pour toi sera nouveau: les technomen?
D: Je ne sais pas à vrai dire... Je pense que si quelqu'un vient à nos concerts avec à l'esprit quelque chose de prédéfini selon ce qu'il aime ou déteste dans la musique électronique comme par exemple le fait qu'il y ait une voix ou pas, cela peut être frustrant à l'arrivée. Mon sentiment sur ce que nous sommes en train de faire embrasse en fait toutes les réminiscences de la scène indépendante anglaise des années 80. A l'époque personne ne faisait de distinction entre Cabaret Voltaire et Theatre of Hate ou entre Killing Joke et DAF, nous naviguions tous sur la même vague. Ceci dit, l'accueil sur nos premiers concerts est extrêmement positif.
Comment s'est passé votre premier live en Espagne? Et comment fonctionnez-vous sur scène?
T: Le live en Espagne fut incroyable, ce fut la folie, les espagnols nous ont vraiment bien accueillis, on a joué dans des clubs techno qui se sont transformés dans un esprit concert rock électronique. J’ai senti le plaisir des gens de revoir Douglas sur scène! Qui aurait pensé le revoir un jour se déchaîner? En plus on s’amuse à insérer quelques tracks de Nitzer Ebb en clin d’œil pour faire plaisir aux anciens. Moi je m’occupe de la partie musicale avec les séquences et constructions que je lance, et Douglas évidemment du chant, de la transpiration et de la course à pied sur le podium.
D: L'Espagne, c'était la claque! Tout ce que nous espérions y est arrivé. Le public aussi bien à Madrid qu'à Barcelone fut tout simplement hallucinant. Fucking great! Un supermix de gens différents et des organisateurs motivés. Sur scène, j'essai de débridé Terence sans qu'il perde son attention. Il a son job à faire: balancer la musique, et j'ai le mien: chanter et faire le show. Mais je crois que tous les deux nous sommes autant responsables l'un et l'autre de l'énergie dansante que nous communiquons au public.
Est-ce que vous pouvez nous retranscrire un peu la tendance des 10 morceaux de l'album? Est-ce que "Freefall" et "Destroy" en sont représentatifs?
D: Hmmm, et bien... Cet album a deux facettes: un côté obscur et un côté lumineux. Des morceaux mélodiques et d'autres rythmiques.
T: Je dirais que l’album va de « Freefall » (mélodique) à « Destroy » (très hard) en passant par des côtés sombres, dark, trippés mais purement électroniques avec de bons gros sons. Je pense que c’est un bon album qui ne se cantonne pas dans un style, uniquement hard ou mélodique. Bien sûr, ça reste très martial et froid mais entièrement dansant. C’est pour ça que l’album sort pendant l’été: pour refroidir un peu la canicule.
Doug, sur l'album, es-tu le seul décideur des textes? De quoi parlent-ils?
D: Oh bon dieu! Les thèmes varient bien sûr. Par exemple pour "Spinner", Terence a eu l'idée de donner un côté très dark au chant tel un poème gothique, donc j'ai épuré les paroles jusqu'à la plus simple des imageries que j'ai pu trouver. "Splitter" décrit la fin de la plus vieille de mes amitiés cassée à cause d'une femme -devenue une vraie salope invivable aujourd'hui. "Destroy", c'est juste comment je me sens quelques fois à propos de certaines personnes qui veulent s'imisser dans ma vie. "Through a screen", c'est l'histoire d'une strip-teaseuse qui tabasse un mec par erreur, croyant qu'il la poursuivait. "Come inside" fait bien sûr référence au sexe, mais il y a un petit clin d'oeil que seuls ceux qui connaissent ma copine et moi-même reconnaîtront. "I run" se résume par son titre, tout comme "You don't know me". "By any other name" fait référence au cycle de la nature humaine et à son comportement destructeur. "Tight fit" ne parle que de baise dans des trous étroits. "You want it" est un jeu de mot quotidien dans la langue anglaise. "Freefall", une sorte d'hommage à tous ceux qui pense comme moi.
Avant la sortie de l'album, qu'avez-vous à répondre à ceux qui s'attendraient à une suite de That Total Age?
D: Welcome home. it's here!
T: Je pense que l’album est plus dans la lignée de "That Total Age" et "Belief" que sur la fin de NITZER avec "Big Hit". Tout d’abord car il est purement électronique, orienté club et j’utilise sur certains titres la hargne et la rage de Douglas par ses voix qui garde une tension répétitive jusqu’à l’explosion. Bien sûr, ce projet n’est pas un nouveau NITZER EBB, mais un FIXMER/McCARTHY. "That Total Age" est un album formidable et ça ne sert à rien de refaire un même album car on ne peut pas faire mieux donc plutôt que copier autant créer! On garde l’âme électronique en y rajoutant mon âme et celle de Douglas. C’est clair que les fans des débuts de NITZER EBB vont plus s’y retrouver dans cet album que sur le Big Hit.
... Et à ceux qui douteraient des différences entre Terence Fixmer en solo et Fixmer+McCarthy?
D: La différence: c'est moi.
T: Je pense que moi-même en solo, il y a forcément un style commun dans la mesure où je compose l’électronique et les séquences, mais avec Douglas je me permet de partir dans des styles plus expérimentaux, plus dark ou plus mélodiques que je le ferais en solo. Bien sûr, le point commun et l’énergie et le côté club; mais la voix de Douglas apporte une nouvelle dimension et forcément une nouvelle atmosphère.
Vous avez fait appel à des remixeurs?
D: Pour l'instant, SPV a demandé à Covenant, et nous nous avons demandé à The Hacker de remixer "Freefall" et nous avons d'autres idées pour "Destroy".
Y aura-t il d'autres maxis après la sortie de l'album?
T: Oui, des maxis pour les remixes et doucement je pense qu’on partira pour un 2ème album.
D: Nous avons déjà commencé à parler de ce second album, mais nous avons un long chemin à parcourir avec "Between the devil..." avant. Mais, je vous confirme: nous n'en resterons pas là! Il y aura bien une suite.
NITZER EBB:
Tu travailles actuellement pour le cinéma...
D: Oui, je travaille sur des publicités et des clips à Londres en tant qu’assistant réalisateur. J’ai fait aussi quelques courts-métrages, et ai écrit un script pour un documentaire.
Peux-tu nous résumer ce que tu as fait musicalement depuis la mort de NITZER EBB en 95 jusqu'à aujourd'hui?
D: J’ai enregistré quelques titres avec Alan Wilder pour le second album de son projet Recoil, et j’ai travaillé un bout de temps avec Oz Morsley de EMPIRION sous le nom de KLOQ. Oz et moi-même avons également signé la musique de quelques courts-métrages que j’ai réalisé. C’est tout, à part les quelques démos que je garde à la maison sur lesquelles je joue de la guitare.
Pourquoi ne pas avoir également continuer KLOQ?
D: C’est un concours de circonstances. Oz et moi travaillions sur Kloq alors que je continuais encore mes cours à l’Université, et j’en ai eu marre des études. Alors j’ai déménagé pour Brighton avec ma copine ; là-bas j’ai commencé à y bosser comme un malade dans l’industrie du film, j’y ai créé ma propre société de design, il y a donc eu trop de bouleversements pour qu’on puisse continuer ce projet.
Est-ce que tu es toujours en contact avec Bon Harris (Ndr : musicien de Nitzer Ebb)? Si oui, que fait-il actuellement?
D: A de très rares occasions, on s’envoi des e-mails. Il est toujours musicien (Ndr: son projet MAVEN devrait sortir un album bientôt). J’étais à Detroit la semaine dernière pour rendre visite à mes enfants qui vivent là-bas, et j’ai entendu dire que Bon était à Chicago travaillant sur un projet avec Billy Corgan (Smashing Pumpkins).
A propos de la sortie du coffret Nitzer Ebb - Body of Work, peux-tu nous en dire plus?
D: Personne n’est foutu de me dire! Daniel Miller et Mute n’ont plus l’air décidés à soutenir NITZER EBB, ni à précipiter la sortie de ce coffret. J’ai vu Daniel récemment à Londres pour le concert de Peaches, il était là pour signer Pink Grease, et je lui ai demandé pourquoi il ne répondait pas à mes appels. Il n’a pas été clair dans ses réponses. Je ne sais pas s’il m’en veut encore d’avoir quitté NITZER EBB ou si c’est autre chose, mais la manière dont Daniel et Mute considère aujourd’hui la sortie de ce coffret est plutôt rude.
Discographies sélectives :
FIXMER/MCCARTHY :
2003 – Destroy/Freefall EP (planète rouge)
2004 – Between The Devil… (synthetic symphony/SPV)
2004 - Freefall/Through a Screen (remixes) (synthetic symphony/SPV)
NITZER EBB (albums) :
1987 - That Total Age (mute)
1989 - Belief (mute)
1990 - Showtime (mute)
1991 - Ebbhead (mute)
1995 - Big Hit (mute)
TERENCE FIXMER (album et maxis) :
1999 – Electrostatic/Out in the Space (int’l deejay gigolo)
2000 – Electric Vison/Rage (int’l deejay gigolo)
2001 – Body Pressure/Warm (int’l deejay gigolo)
2001 - Armée des Ténèbres (int’l deejay gigolo)
2001 - Muscle Machine (int’l deejay gigolo)
2002 – Red Section/The Calling (planète rouge)
2002 – She Said Destroy/Breathe (planète rouge)
2003 – Aktion Mekanik Theme (compilation - music man)
2003 – Cerveaux sans âmes/péplum (int’l deejay gigolo)
Web:
Fixmer/McCarthy site officiel: www.fixmermccarthy.com
Terence Fixmer et Planète Rouge records: www.terencefixmer.com
Page officielle chez NovaMute : www.mute.com/mute/novamute/nitzerebb
Nitzer Ebb Showtime (fan club allemand): www.nitzer-ebb.de
RETRO-CHRONIQUE:
NITZER EBB "That Total Age" (1987 - Mute records )Album cultissime, faudrait-il aller jusqu’à dire bible, pour toute une génération de fans, "That Total Age" marque la naissance, en tant que référence ultime, incontestée et surtout indémodable de l’electronic-body-music au même titre que les premiers albums des belges FRONT 242 ou du duo homologue allemand DAF. EBM à laquelle le groupe ne sera pas uniquement cantonné à ses débuts; hantant les playlists des DJs des clubs new-wave de toute l’Europe. Les causes de ce succès: une énergie dansante ininterrompue de la première à la dernière seconde du disque. Regroupant les meilleurs maxis précédemment sortis sur Power of Voice (le propre label des Nitzer Ebb), TTA brille par la cohésion totale qui transpire durant ses 9 titres. Ligne de basse hypnotiques, rythmique claire et dépouillée, électronique minimaliste. Douglas McCarthy aux vocaux tout simplement déifié et Bon Harris aux machines et aux percussions voilà la formule sobre mais efficace de ces bad boys qui exhibent muscles et dents serrées sur les tubes les plus remarqués: « Violent Playground », « Murderous » et l’hymne marathonien « Join In The Chant », sans oublié le très court « Let Your Body Learn ». Un sentiment de puissance envahie immédiatement tout auditeur, le plus béotien soit-il, dans ce défouloir festif où transpirent testostérone et besoin de gymnastique accélérée. Album qui sera géniteur de toute une scène dissidente (aussi bien groupes que labels) principalement basée en Allemagne, Belgique et Suède et toujours active de nos jours. Le meilleur opus de Nitzer Ebb, indispensable testament.